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Gouverner à 100, une utopie ?

Assemblée de sociétaires de l'ouvre-boîtes 44

En 2021, la coopérative l’Ouvre-Boîtes est devenue une entreprise gouvernée par 100 personnes. Quand ces décisionnaires sont majoritairement des entrepreneur·es autonomes sur leur activité quotidienne, ça fonctionne comment ? À nous, membres de la coopérative, de l’inventer !

Réfléchir et décider à 100… et plus

Chaque année, l’assemblée générale de décembre est un temps fort où se présentent les candidat·es au sociétariat de la coopérative. En décembre 2020, l’AG de l’Ouvre-Boîtes a admis au sociétariat 30 nouvelles personnes, passant ainsi de 70 à 100 sociétaires. Et en 2021, 50 membres de la coopérative présents depuis plus de deux ans sont invités à s’interroger sur leur volonté de s’engager dans le sociétariat. Un changement d’échelle qui a tout du franchissement de cap pour ce beau navire qu’est notre coopérative d’activité et d’emploi. Alors, où allons-nous et qui tient la barre ?

Aujourd’hui, l’Ouvre-Boîtes est une scop de 165 salarié·es dont 100 sont associé·es et constituent l’assemblée générale. Le pilotage est assuré par un conseil d’administration de 11 membres. Ce modèle juridique n’est pas questionné, mais le nombre croissant de sociétaires oblige à réfléchir à la façon de prendre en compte les avis de chacun·e, de travailler et délibérer ensemble, de prendre des décisions. La co-présidente du conseil d’administration ouvre le débat :

« Gouverner tous ensemble à plus de 100 peut sembler utopique. On dit communément qu’un collectif fonctionne, en termes de décisions, par petits groupes : à 15, 25, ou 50. Certaines entreprises libérées mettent en place des villages où la décision est prise en toute autonomie, du début à la fin. Pour décider à 100, il faut déjà s’entendre à 100. » – Céline Eloumou Zoa, entrepreneure associée, co-présidente du CA.

S’entendre à 100 : n’est-ce pas d’abord l’interconnaissance entre sociétaires, la capacité à bien communiquer les informations, une culture commune du système coopératif qui sont en jeu ? Car le changement d’échelle signifie perdre en proximité, ce qui nécessite de savoir faire confiance tout en continuant à s’impliquer.

 

« Pour moi, les enjeux se portent essentiellement sur la communication interne, qui est la base de la compréhension, donc de la coopération. Pour bien coopérer, il faut aussi accepter que chaque personne qui porte des responsabilités agisse à sa façon, tant que c’est en accord avec la direction donnée par le collectif. Et pour cela, il importe de clarifier qui décide de quoi, en distinguant les différents niveaux de décisions : politique, stratégique et opérationnel. » – Charlotte Lion, chargée d’accompagnement

 

Temps disponible et interconnaissance

À l’Ouvre-Boîtes, l’enjeu est d’autant plus fort que la majorité des sociétaires sont des entrepreneur·es qui ont chacun·e une activité propre. On peut imaginer que le temps d’appropriation du fonctionnement global soit plus important que dans une scop où l’ensemble des salarié·es concourent à l’activité commune. Est-ce que la pluralité des projets engagés au sein de la coopérative ne représenterait pas un frein pour susciter l’engagement de chaque entrepreneur·e associé·e ?

 

« Aujourd’hui, nous avons une bonne capacité à nous projeter mais moins pour transformer nos envies en décisions concrètes pour des raisons de temps, de priorité ou encore de communication. Il serait pertinent de se concentrer sur 2 ou 3 projets ambitieux et fédérateurs qui inciteraient la majorité des sociétaires à s’impliquer, comme le projet du Grand Bain » – Raphaël Baer, entrepreneur associé

 

Formalisées ou improvisées, les idées et les initiatives foisonnent pour favoriser la convivialité, l’interconnaissance et le partage d’une culture coopérative. Une parmi d’autres en ce début 2021 : un très classique repas entre membres de la coopérative… mais organisé façon « bingo », par groupes de 6 personnes tirées au sort, afin de respecter les règles sanitaires du moment ! Plus formels et sur des sujets choisis, des cercles de discussion ont pour objectif de préparer tout au long de l’année la prise de décisions sur les sujets discutés en conseil d’administration et en assemblée générale. L’idée d’un parcours de formation pour les nouveaux et nouvelles sociétaires commence également à émerger :

 

«J’imagine un « passeport » de sociétaire pour formaliser une démarche d’acculturation. Je le vois comme un management de progrès afin d’encourager la participation active d’un plus grand nombre de personnes. » – Thierry Merdrignac, entrepreneur associé

 

entrepreneurs qui déjeunent au Grand Bain

 

Tous ces éléments de nature différente ont bien pour objectif de fédérer la communauté des sociétaires autour d’un projet d’entreprise solide pour l’Ouvre-Boîtes. C’est le défi qui s’ouvre en ce début d’année : co-construire un projet 2021-2025 qui embarque tous les membres de la coopérative.

 

Sociétaire, kézako ?

Depuis 2014, à l’issue de 3 ans d’activité exercée au sein d’une coopérative d’activité et d’emploi, l’entrepreneur·e salarié·e qui souhaite poursuivre son activité dans la coopérative doit candidater au sociétariat. Devenir sociétaire (ou associé·e) engage à participer aux prises de décision et à la vie de la coopérative. Chaque sociétaire dispose d’une voix à l’assemblée générale et peut candidater au conseil d’administration de la scop.