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Accompagnement à la création d’entreprises : Quelles coopérations entre dispositifs classiques et ESS

L’Avise publie une étude sur les coopérations entre les dispositifs classiques et ESS de l’accompagnement à la création d’entreprise, réalisée dans le cadre du Master Stratégies Territoriales et Urbaines de l’École Urbaine de Science Po en analysant 3 territoires : La Franche-Comté, Lyon Métropole, La Seine Saint Denis. Retrouvez l’intégralité de l’étude ici.

Depuis maintenant les années 80, de nombreuses structures ont émergé afin d’accompagner la création et le développement des entreprises : les incubateurs et structures privées (station F, L’Orange Fab), les incubateurs des écoles (Allegre, ESSEC, Audencia), mais aussi les chambres consulaires et autres services des collectivités, etc… Ces structures bénéficient d’une certaine expérience et expertise quant à l’accompagnement à la création et reprises de PME. Une autre tendance générale se dégage autour de l’accompagnement des start-up et l’accompagnement à l’innovation avec les technopoles et autres incubateurs spécialisés.

Depuis quelques années, avec la reconnaissance grandissante de l’ESS, son poids économique et l’arrivée de l’innovation sociale, de nouvelles structures ont émergé. Face à cette mutation des projets, les structures de l’accompagnement se sont adaptées. Mais dans quelles mesures ? Comment les structures de l’accompagnement ESS et classiques coopèrent-elle alors ? Sont-elles en concurrence ? Sont-elle si différentes les unes des autres ? C’est ce à quoi a essayé de réponde l’étude publiée par l’Avise dont nous vous faisons ici un rapide condensé et parallèle avec le territoire des Pays de la Loire.

L’accompagnement des projets ESS et des projets de l’économie « classiques » : quelles différences, convergences ?

Le besoin en accompagnement des porteurs de projet est de même exigence qu’il soit ESS ou non : un chargé d’accompagnement professionnel, à l’écoute, qui connaisse le territoire (mise en réseau) et les différents rouages législatifs et comptables pour apporter des réponses précises à une problématique donnée, soit en direct, soit en orientant la personne vers le bon interlocuteur. Là, où il peut y avoir des différences, c’est dans les réponses apportées car les problématiques des projets et des porteurs de projets ne sont pas les mêmes s’ils sont ESS ou non.

L’accompagnement d’un projet ESS va en effet se différencier par la prise en compte de l’impact social du projet, la particularité du modèle économique, l’hybridation des ressources, et le mode de gouvernance qui fondent finalement le socle des valeurs et principes de l’ESS. Par ailleurs, de ce fait, les projets sont complexes avec plusieurs parties prenantes et des temporalités plus longues. L’accompagnement va alors prendre en compte ces dimensions pour apporter des clés de réponses adaptées aux porteurs de projet : le choix juridique, la levée de fonds publique et privée, la mise en avant des impacts auprès des usagers et du territoire, la compétence à accompagner un collectif d’acteurs, etc.…

Selon l’étude, les structures d’accompagnement s’emparent de ces compétences spécifiques ESS dans des degrés d’intensité différents selon les territoires, les structures, et parfois mêmes les personnes au sein d’une même structure. L’étude relève 3 degrés : 1/-la non prise en compte des spécificités,  2/-1 chargé d’accompagnement dédié, ou 3/-une entière stratégie de développement de la structure. Chacun va alors pourvoir mettre en œuvre sa propre vision.

Néanmoins, on note de plus en plus de convergences entre l’économie classique et l’ESS. L’ESS s’est inspiré des incubateurs et méthodologies pour élaborer son offre d’accompagnement. Par exemple, le modèle Canvas à été détourné en Social Buisness model Canvas. Des incubateurs d’innovation sociale se sont inspirés des incubateurs d’innovation entrepreneuriale comme Alter’Incub ou Makesense qui vont dupliquer soit une méthodologie, un lieu ou des pratiques, proche des stratégies marketing et événementielle. D’autre part, l’économie « classique » s’empare de plus en plus du modèle collaboratif : la mise en réseau entre porteurs de projet (le collectif), l’apprentissage par les pairs largement mis en avant dans les pratiques des structures ESS. Les convergences ont alors plutôt attrait aux méthodologies et postures professionnelles des accompagnateurs, et les différences aux valeurs et spécificités de l’ESS et à la connaissance des réseaux.

Cette analyse de l’étude de l’Avise reste néanmoins à nuancer. On aborde ici l’ESS via un prisme très entrepreneuriale, et émanant plutôt des courants anglo-saxons, qui se rapprochent dès lors de l’entrepreneuriat classique. C’est-à-dire, un porteur de projet ou une entreprise avec une finalité sociale. Or, il existe d’autres courants théoriques qui abordent l’ESS, l’innovation sociale comme une « entreprise sociale ». Va alors primer, le processus et non la finalité : la gouvernance démocratique, la co-construction, la réponse à un besoin et l’ancrage territorial. C’est pourquoi, la recherche et les études sur l’ESS et l’innovation sociale ont du mal à trouver pareil échos que les analyses sur l’économie classique tant les interprétations et opinions et approches sont divers. Plusieurs courants théoriques coexistent, en font sa richesse et sa diversité au détriment parfois d’une démocratisation large et accessible, mais au profit d’une réflexion continue. Si l’on aborde alors l’ESS sous le prisme de l’ « entreprise sociale », les convergences (approches méthodologiques et posture professionnelle) restent relativement les mêmes mais les divergences s’accentuent. Le projet nécessitera un accompagnement fort en matière de gouvernance, de modèle économique et d’hybridation des ressources, de valorisation des impacts et nécessitera parfois même un appui politique local.

Par ailleurs, dans les structures d’économie classiques, les pratiques collaboratives, ou ayant opté pour une gouvernance libérée, sont parfois davantage une stratégie RH, managériale ou d’image, qu’un réel rapprochement vers les valeurs ESS.

Coopérer malgré ou du fait de ses différences !

Cela dit, même si le rapprochement des valeurs reste encore discutable et complexe, les coopérations, elles, sont de plus en plus nombreuses sur les territoires entre les structures d’accompagnement ESS et classique. Chacun y trouve son compte pour améliorer l’interconnaissance des structures, accroitre la lisibilité des écosystèmes, et permettre une meilleure orientation pour les porteurs de projet. A Nantes par exemple, les acteurs de la création se sont rassemblés autour d’une marque : les sup’porteurs de la création. Sont membres, les consulaires, la MTCE, les CAE, FONDES, Initiative Pays de la Loire, BGE, l’URSCOP, réseau Entreprendre, les pépiniaires. On voit donc ici une mixité des structures autant sur la typologie des projets qu’ils accompagnent que les stades de développement. En Mayenne, la CAE généralistes Coodémarrage 53 s’est également associée à un pôle de la création avec BGE, ADIE, et France Active. Par ailleurs, la CRESS des Pays de la Loire s’est associé avec les consulaires afin de recenser l’ensemble des dispositifs d’accompagnement et de financement pour les porteurs de projets via la plateforme ESSOR. L’interconnaissance des acteurs ressources est alors un pré requis essentiel pour fédérer et cartographier les offres, au bénéfice du porteur de projet, qui se retrouve souvent dans une jungle de structure sans vraiment comprendre qui-fait-quoi.

La meilleure lisibilité des offres d’accompagnement permet également, par extension, une meilleure lisibilité des complémentarités pour mettre en avant une offre complète et diversifiée sur les territoires et ainsi éviter des doublons. C’est également officialiser une chaine de l’accompagnement et éviter les mécanismes de concurrences avec des effets d’aubaine et de positionnement politique sur l’accessibilité aux financements publics pour certaines structures.

L’étude identifie alors 3 facteurs clés de réussite de ces coopérations :

  • le rôle d’impulsion des collectivités territoriales : volonté politique de coordonner les structures d’un même territoire, de créer une chaine de l’accompagnement, des mécanismes d’interconnaissance et de complémentarité entre les acteurs en animant les écosystèmes ;
  • l’importance des cultures locales : c’est-à-dire les relations interpersonnelles, l’histoire du territoire en matière de coopération d’acteurs.
  • et la nécessité d’une sensibilisation aux enjeux de l’ESS : favoriser la connaissance de l’ESS auprès des acteurs ressources de l’accompagnement afin de faciliter l’orientation des porteurs de projets ESS et d’éviter de prodiguer un accompagnement non adapté par manque de connaissance du terreau local.

Le monde de l’ESS est en mutation, les courants théoriques d’inspirations anglo-saxonnes trouvent de plus en plus d’échos en France. L’innovation est mise à l’honneur dans toutes ses formes, également au niveau institutionnel avec French Impact. L’ouverture vers le monde « classique » s’accélère avec le statut ESUS par exemple… Il n’est donc pas étonnant que les coopérations avec l’économie « classiques » s’opèrent petit à petit. Les coopérations, la coordination et l’animation territoriale de l’ensemble de ces acteurs est essentielle pour que chacun puisse trouver sa place dans l’écosystème sans pour autant perdre ses valeurs, ses spécificités, ses compétences qui répondent aux besoins des porteurs de projets.

En Pays de la Loire, nos 7 CAE ont une place importante dans ces écosystèmes de l’accompagnement. Elles s’adressent à des entrepreneurs individuels ou collectifs voulant développer une activité dont la finalité ne relève pas forcément de l’ESS mais dont le processus s’inscrit dans une démarche ESS via l’intégration de son projet dans une coopérative d’activité et d’emploi qui prône « l’entrepreneuriat autrement », l’entrepreneuriat collectif.